Compte rendu de mon audition au Sénat

Rédigé par Eric Roux le 10/04/2013 à 21:46 | 10/04/2013

Pour ceux qui étaient intéressés, voici le compte-rendu de mon audition devant la commission d'enquête sénatoriale tel qu'il a été publié par ladite commission.


(Si vous voulez voir la vidéo de l'audition sur le site du Sénat, cliquez ici :
http://videos.senat.fr/video/videos/2013/video17518.html)

M. Alain Milon, président. – Mes chers collègues, nous recevons aujourd’hui le Révérend Éric Roux, porte-parole de l’Eglise de Scientologie.
Notre réunion d’aujourd’hui n’est pas ouverte au public ; un compte rendu en sera publié avec le rapport.
Révérend Éric Roux, me confirmez-vous que vous avez donné votre accord pour que cette audition fasse l’objet d’une captation vidéo et pour que cet enregistrement soit éventuellement par la suite accessible sur le site du Sénat ?

M. Eric Roux. – Je le confirme.

M. Alain Milon, président. – Je précise à l’attention du Révérend Éric Roux que notre commission d’enquête s’est constituée à l’initiative de M. Jacques Mézard, qui est notre rapporteur.
Je vais maintenant, conformément à la procédure applicable aux commissions d’enquête, demander à M. Éric Roux de prêter serment.
Je rappelle qu’un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.
Révérend Éric Roux, prêtez serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « Je le jure ».

M. Eric Roux. – Je le jure.

M. Alain Milon, président. - Je vous invite donc à prononcer un exposé introductif, puis mon collègue Jacques Mézard, et les sénateurs présents membres de la commission vous poseront quelques questions.
Révérend Éric Roux, vous avez la parole.

M. Eric Roux. – Mon exposé introductif durera à peu-près 12-13 minutes, puis je me prêterai volontiers à vos questions.

Par mon profond respect pour le Sénat, ainsi que pour votre fonction, je suis venu, comme vous me l’avez demandé, témoigner sous serment devant votre commission d’enquête, afin de pouvoir vous éclairer sur les points qui vous intéressent. Ce sera, je l’espère, l’occasion de corriger de nombreux préjugés qui circulent dans notre pays concernant la Scientologie.
Vous avez compris mon profond désaccord avec le fait que malgré mon insistance pour que cette audition soit ouverte au public et la presse, afin que les Français puissent partager les échanges qui s’y dérouleront dans la plus grande transparence, vous avez choisi d’imposer l’obscurité en fermant cette audition au public et à la presse.
C’est contraire à la règle depuis la loi n° 91-698 du 20 juillet 1991 et à la coutume qui s’est instaurée de donner « la publicité la plus large possible aux débats ». C’est aussi contraire aux nombreuses auditions qui se sont déjà déroulées devant votre commission auparavant. La publicité des auditions participe du débat démocratique, et je ne vois pas pourquoi la presse et les Français ne pourraient pas être au courant de ce qui se dit lors de mon audition, dans le cadre d’une commission d’enquête qui, d’après vous, concerne tous les Français.
Cela m’a conduit à m’interroger sur les raisons qui incitent votre commission à soumettre le témoignage de l’Eglise de Scientologie au secret ou à une publicité « éventuelle » par vidéo. J’ai constaté par ailleurs que lorsque vous interrogez un apostat de l’Eglise, exclu depuis trente ans et connu pour être un détracteur obsessionnel de la Scientologie, son audition est ouverte à la presse et au public. De même, lorsque vous interrogez Serge Blisko, Georges Fenech, le CCMM, l’Unadfi, Catherine Picard, etc., les auditions sont ouvertes à la presse et au public, en plus d’être filmées et diffusées sur le site du Sénat.

Il y a donc, de facto, une différence de traitement entre l’Eglise de Scientologie et ses détracteurs.

Vous l’avez compris, je n’approuve pas un tel manque de transparence, une telle discrimination dans le traitement des personnes auditionnées, un tel arbitraire à l’opposé de tout ce qui fait notre démocratie.

La Scientologie est une religion, reconnue comme telle en Europe et dans les pays qui ont un système de reconnaissance légale des religions, et cette religion existe en France depuis plus de cinquante ans. Elle compte des dizaines de milliers de fidèles et de sympathisants dans l’hexagone, pour plusieurs millions dans le monde.

Votre courriel initial de convocation mentionnait la volonté que l’audition d’un « responsable de l’Eglise de Scientologie » par les sénateurs, porte « essentiellement sur les conceptions de la santé et de la médecine défendues par les Scientologues ». Or, l’Eglise ne défend aucune conception de la santé qui empièterait sur le domaine médical, ni ne prend aucune position concernant ce qui est médical ou de l’ordre de la médecine. L’Eglise dispense un enseignement et des services religieux et uniquement religieux. Elle aide les personnes qui le souhaitent en créant un espace de liberté spirituelle au sein de ses églises.



Les Scientologues sont, comme l’ensemble des citoyens, libres en ce qui concerne leurs choix thérapeutiques. J’imagine qu’il existe parmi eux le même pourcentage que dans le reste de la population de personnes qui se soignent principalement avec la médecine allopathique, tandis que d’autres choisissent en priorité l’homéopathie, ou d’autres thérapies selon leurs choix.
Les principales recommandations que pourrait faire une Eglise de Scientologie si un de ses paroissiens venait à tomber malade, serait d’insister pour qu’il se soigne, en application d’un des préceptes contenus dans le Chemin du bonheur, qui est un code moral non religieux écrit par M. Hubbard, fondateur de la Scientologie. Ce précepte, qui est inclut dans le chapitre « Prenez soin de vous-même », s’intitule : « Recevez des soins quand vous êtes malades ». Bien entendu, cela n’empêche pas les Scientologues de penser, à l’instar de nombreux autres courants religieux plus anciens, que la foi, la connaissance, la connaissance de soi et la plénitude spirituelle peuvent avoir un impact sur la santé de l’individu. Mais ici nous sommes dans le domaine des croyances, des convictions religieuses. Et si les Scientologues croient cela (j’en profite pour vous rappeler que les catholiques croient que le Christ peut guérir des aveugles par apposition des mains, faire disparaître la fièvre par la parole, voire ressusciter des morts, c’est dans les évangiles), si les Scientologues croient cela, donc, la pratique de la Scientologie a pour objectif la liberté spirituelle, la liberté de l’esprit par la connaissance et non la guérison du corps. La Scientologie est une religion nouvelle, certes, mais elle s’inscrit dans une tradition de courants philosophiques et religieux qui remonte loin dans le temps. On peut y trouver de grands points communs par exemple avec la théologie de Maitre Eckhart, l’un des plus grands mystiques chrétiens, qui considérait que l’âme avait une existence distincte du corps, et que seule la connaissance directe de sa nature spirituelle et divine pouvait apporter le salut à l’individu. Sans rentrer dans trop de considérations philosophiques et religieuses, les points de vue de la Scientologie sur les relations entre le corps et l’âme, sont assez proches de nombreuses philosophies religieuses antérieures, même si bien entendu des différences existent.

Votre commission s’intitule « Commission d’Enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé ». Outre le fait qu’il n’existe aucune définition juridique de « secte » ou de « mouvement à caractère sectaire », et que ce terme est un prétexte à de nombreuses discriminations, destructions et stigmatisations en violation des engagements internationaux de la France en matière de liberté de conscience, je ne vois pas en quoi l’Eglise de Scientologie peut être concernée.

Comme je l’ai écrit, la Scientologie est une religion, au même titre que les autres religions présentes dans notre pays (qu’elles soient catholique, protestante, juive, musulmane, hindouiste, bouddhiste). Elle n’a donc aucun rapport avec les prétendus « mouvements à caractère sectaires » de l’intitulé de la commission d’enquête. Qui plus est, l’Eglise ne prend aucune position dans le domaine médical. C’est donc à double titre que nous ne sommes pas concernés.

A ma connaissance, la commission n’a pas auditionné de responsables d’autres religions tels que des dignitaires de l’Eglise catholique, du Consistoire, du Culte musulman ou de la Fédération protestante de France, etc.

Les positions sociales que nous soutenons et les programmes laïcs dans lesquels nous sommes engagés dans la société sont connus et reconnus dans le monde entier. Il s’agit entre autres de la prévention et d’information sur les dangers des drogues, la promotion des droits de l’homme et l’éducation des citoyens à leur sujet, la lutte contre l’illettrisme, le réhabilitation des délinquants, la promotion des valeurs morales contenues dans les préceptes du Chemin du Bonheur, etc.

Vous avez évoqué la Commission des Citoyens et des Droits de l’Homme (CCDH). Elle a été auditionnée. Elle a une existence absolument distincte de l’Eglise, mais elle a été cofondée par l’Eglise de Scientologie et le psychiatre émérite Thomas Szasz en 1969. Encore une fois, il ne s’agissait ici absolument pas d’une prise de position concernant la santé, mais d’un engagement concernant la défense des droits de l’Homme face aux abus existant dans la psychiatrie (et nous parlons ici d’abus lorsqu’il y a violation et destruction de la dignité et de l’intégrité physique et morale des personnes, et je vous renvoie à ce sujet au rapport 2012 de l’Agence pour les droits fondamentaux de l’Union européenne, rapport sur le placement involontaire et traitement involontaire de personnes souffrant de troubles mentaux, qui associe certains traitements psychiatriques à de la torture). Les droits de l’homme tels qu’ils ont été exprimés dans la Déclaration Universelle de 1948 tiennent à cœur aux Scientologues et ceux-ci sont très engagés dans leur défense et leur promotion.

Il convient d’aborder cette commission sous l’angle de son intitulé même. Il me semble qu’il y a un paradoxe anachronique à avoir intitulé cette commission « Commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé ». Depuis dix ans maintenant, la France a prétendu sortir de la stigmatisation de certains mouvements particuliers pour se consacrer aux dérives. J’ai déjà évoqué le fait que « sectes » et « mouvements à caractère sectaire », n’ont aucune définition juridique, et étaient des prétextes à l’arbitraire d’une chasse aux sorcières motivée par des intérêts privés. Je dois aussi ajouter qu’il semble que n’avez pas remarqué que nous sommes passés à l’ère de la « dérive sectaire », ère dans laquelle aucun mouvement ne peut être ciblé en particulier, seuls les actes étant importants. La dérive sectaire, par définition (non juridique d’ailleurs), peut être commise par n’importe qui. Par n’importe quel parti politique, par n’importe quelle religion, n’importe quel individu, n’importe quelle institution. Ainsi, en persistant à vouloir vous en prendre aux « mouvements sectaires », vous persistez dans l’attitude qui consiste à établir des listes de ces mouvements, et à les stigmatiser comme mouvements de pensée, au lieu de vous en tenir aux dérives telles qu’elles peuvent se produire dans l’intégralité de la société, civile ou publique.

Maintenant, concernant le déroulement des auditions qui précèdent la mienne et que je suis obligé de prendre en compte pour comprendre pourquoi vous avez décidé de m’auditionner, j’ai plusieurs remarques à faire.

La première concerne le fait que vous ayez choisi d’auditionner un apostat de l’Eglise de Scientologie, exclu depuis plus de trente ans, donc ne connaissant rien à la vie de l’Eglise depuis tout ce temps, multirécidiviste plusieurs fois condamné de manière définitive par la justice française pour des actes commis dans le cadre de son activité anti Scientologue, pour qu’il puisse répandre mensonges et calomnies sur la Scientologie, ce qui, soit dit en passant, est son gagne-pain depuis trente ans. Un détracteur professionnel qui encore une fois a été condamné quelques jours avant son audition par votre commission par la cour d’appel de Lyon pour diffamation et injures publiques envers l’un de ses anciens compagnons de route. C’est un peu comme si vous interrogiez un antisémite notoire sur les pratiques du judaïsme. Quel crédit y apporteriez-vous?

J’ai aussi découvert, en lisant la presse, que vous aviez interrogé cet opposant sur des éléments actuellement en cours de procédure devant la Cour de cassation. Il est impératif que la justice française puisse faire son travail sans que l’on ne cherche à l’influencer, que ce soit en provenance du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif. La séparation des pouvoirs doit être respectée. C’est une exigence de la Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen du 26 août 1789. Toute ingérence, même indirecte, dans un procès pénal en cours est inadmissible. J’insiste là-dessus parce que je suis parfaitement disposé à répondre à toutes les questions dans le périmètre du sujet dans lequel votre commission a été créée, puisqu’une commission d’enquête ne peut enquêter que dans le périmètre défini par les éléments qui ont présidé à sa création, je suis parfaitement disposé à vous éclairer du mieux que je peux, mais je ne pourrai absolument pas répondre aux questions qui ont trait à une procédure en cours.

Je trouve aussi malheureux le fait que vous ayez soumis la publication des vidéos des auditions à l’arbitraire le plus inquiétant. Tant que vous avez auditionné des personnes ouvertement hostiles aux mouvements religieux minoritaires, les vidéos de ces auditions étaient publiées sur le site du Sénat dans leur intégralité. Mais lorsque vous avez auditionné des acteurs associatifs qui auraient pu apporter la contradiction à leur propos, les vidéos de ces auditions ne sont mystérieusement jamais apparues sur le site du Sénat. Une pratique qui selon moi manque cruellement de transparence.

Je remarque aussi qu’après avoir mené douze auditions de personnes connues pour leur acharnement à l’encontre des minorités spirituelles, vous n’avez mené que trois auditions d’acteurs associatifs susceptibles d’apporter la contradiction. Comme je l’ai dit, les premières sont toutes disponibles sur le site du Sénat, les trois dernières n’y sont pas.

C’est aussi un membre de votre commission qui, alors que la commission venait d’entendre Georges Fenech, ancien président de la Miviludes, a déposé le 18 décembre 2012 sur le bureau du Sénat une proposition de loi visant à accorder l’immunité aux membres de la Miviludes. Il n’a échappé à personne que M. Fenech, étant actuellement condamné en première instance par le tribunal correctionnel de Paris pour avoir diffamé une association chrétienne dans le cadre de ses fonctions de Président de la Miviludes, aurait été l’immédiat bénéficiaire d’une telle loi dans le cadre de son appel, l’adoption de ladite loi mettant fin de manière parfaitement contraire à la séparation des pouvoirs, aux poursuites dont il fait l’objet.

D’ailleurs, vous avez nécessairement constaté la fausseté de la déposition sous serment de M. Fenech en ce qu’il prétend avoir gagné toutes ses procédures car la proposition de loi en question mentionne la condamnation de l’ancien président de la Miviludes, c’est-à-dire du témoin auditionné.

Il m’appartient également d’appeler votre attention sur la ratification par la France du Pacte international sur les droits civils et politiques de l’ONU, qui affirme le droit à la liberté de conscience et de religion. Dans son observation générale n° 22 sur l’interprétation à donner à l’article 18 du Pacte, le Comité des Nations Unies des Droits de l’Homme a déclaré :
« L’article 18 protège les convictions théistes, non théistes et athées, ainsi que le droit de ne professer aucune religion ou croyance. Les termes " croyance " et " religion " doivent être interprétés au sens large. L’article 18 n’est pas limité dans son application aux religions traditionnelles ou aux religions et croyances comportant des caractéristiques ou des pratiques institutionnelles analogues à celles des religions traditionnelles. Le Comité est donc préoccupé par toute tendance à la discrimination envers une religion ou une conviction pour une raison quelconque, y compris le fait qu’elle soit nouvellement créée, ou représente des minorités religieuses qui peuvent faire l’objet d’hostilité de la part d’une communauté religieuse dominante ».

En 1996, dans son rapport annuel, le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté religieuse avait déjà noté l’inadéquation de l’étiquetage de certains groupes en tant que « sectes » (je cite) :
« Le terme « secte » semble avoir une connotation péjorative. Une secte est considérée comme différente d’une religion, et n’a donc pas droit à la même protection. Ce type d’approche est révélateur d’une tendance à amalgamer les choses, à discriminer et à exclure, ce qui est difficile à justifier et encore plus difficile à excuser, tellement c’est nuisible à la liberté religieuse ».
Inutile de dire que la nouvelle terminologie adoptée pour tenter de contourner ce reproche, « mouvements sectaires », équivaut à l’étiquette « sectes » et est soumis à la même critique.
Le pacte susmentionné, comme la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme à laquelle la France est aussi soumise, garantissent tous deux le droit à la liberté de conscience, de croyance et de religion, quelles que soient lesdites croyances, pour lesquelles il ne peut y avoir ingérence de l’État.

C’est donc sous l’auspice de ces grands textes protecteurs des libertés fondamentales que je vais répondre à vos questions, non sans vous rappeler une dernière fois, Messieurs les sénateurs, Mesdames les sénatrices, qu’il n’est pas question ici d’aborder des sujets qui pourraient porter atteinte au principe de la séparation de l’autorité judiciaire et des autres pouvoirs en empiétant sur des questions qui sont actuellement traitées dans le cadre d’un procès pénal. Je vous remercie.

M. Alain Milon, président. – Je voudrais faire une petite mise au point.

Votre présence ici aujourd’hui est un évènement sans précédent pour les commissions d’enquête qui, depuis 1995-1996, ont porté sur les mouvements et les pratiques sectaires.
Votre présence au Sénat résulte d’abord de la volonté de notre commission de respecter le principe du contradictoire.

Elle résulte aussi d’un souci de transparence, puisqu’il a été décidé que toutes les auditions feraient l’objet d’un compte rendu annexé au rapport, tant dans sa version papier que dans sa version en ligne. Cet élément est très important.

Je rappelle que les deux premières commissions d’enquête de l’Assemblée nationale (de 1996 et de 1999) ont délibéré selon la règle du secret : aucun compte rendu des auditions ne figure donc dans ces rapports. La commission de 1999 a bien reçu « quelques dirigeants de mouvements sectaires » (page 11 du rapport), mais le compte rendu de ces auditions n’a pas été publié avec le rapport.

En 2006, l’Assemblée nationale s’est affranchie de la règle du secret en ouvrant certaines auditions à la presse. En revanche, l’application du principe du contradictoire s’est limitée à l’envoi de questionnaires à de « nombreuses organisations entrant dans le champ de ses investigations ». Or, comme le relève le rapport de l’Assemblée nationale page 11, l’Eglise de Scientologie n’y a pas répondu.

Notre réunion d’aujourd’hui est la première occasion donnée à votre organisation d’exposer devant des parlementaires un point de vue qui va figurer dans un rapport parlementaire public.
Je pense donc que les aspects formels de cette audition sont d’un intérêt bien inférieur à l’échange sans précédent que nous devrions avoir actuellement sur le sujet qui nous intéresse : le point de vue de l’Eglise de la Scientologie sur la santé.

Par ailleurs, je vous remercie d’avoir dit dans la lettre que vous m’avez adressée que vous veniez par respect pour le Sénat.

M. Eric Roux. – Absolument.

M. Alain Milon, président. – Je vous fais toutefois observer que vous êtes ici non pas en raison de vos sentiments pour le Sénat, mais en vertu d’une obligation forte créée par l’article 6 de l’ordonnance de 1958 dont vous avez d’ailleurs une connaissance très précise :
« Toute personne dont une commission d’enquête a jugé l’audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission. A l’exception des mineurs de seize ans, elle est entendue sous serment. Elle est, en outre, tenue de déposer, sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« La personne qui ne comparaît pas ou refuse de déposer ou de prêter serment devant une commission d’enquête est passible de deux ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. (...)
« Dans les cas visés aux deux précédents alinéas, le tribunal peut en outre prononcer l’interdiction, en tout ou partie, de l’exercice des droits civiques mentionnés à l’article 131-26 du code pénal, pour une durée maximale de deux ans à compter du jour où la personne condamnée a subi sa peine. »
Par ailleurs, pour en finir avec vos remarques sur l’organisation de notre réunion d’aujourd’hui, je vous fais observer que l’ordonnance de 1958 est très claire sur le sujet :
«Les auditions auxquelles procèdent les commissions d’enquête sont publiques. Les commissions organisent cette publicité par les moyens de leur choix. »
Dans certains cas, la publicité des auditions peut se limiter au compte rendu écrit joint au rapport. Cela a été le cas pour de nombreuses réunions organisées depuis le début de cette commission d’enquête. Nous n’avons aucunement à nous justifier des modalités d’audition que nous avons décidées.
Je donne la parole à notre rapporteur, M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard, rapporteur. – Merci de cette mise au point, monsieur le président. Monsieur Roux, vous avez utilisé un processus de victimisation qui me paraît déplacé. Le fonctionnement de notre commission est conforme aux dispositions légales et au fonctionnement démocratique du Sénat de la République. Je m’en tiendrai dans mes questions à l’objet de cette commission d’enquête : les dérives sectaires dans le domaine de la santé. Il ne s’agit pas pour notre commission de dresser une liste des mouvements sectaires, mais d’étudier les dérives sectaires en matière de santé. Vous ne nierez pas leur existence : lors de son audition, la présidente de la Commission des citoyens pour les droits de l’homme a dénoncé les comportements sectaires en psychiatrie, notamment l’emprise mentale exercée par les psychiatres sur leurs patients... Donc nous ne sommes pas les seuls à considérer que ça existe !
Pourquoi un tel acharnement de l’Eglise de Scientologie à l’égard de la psychiatrie ?

M. Eric Roux. – Je pense qu’il n’y a pas d’acharnement de la part de l’Eglise de Scientologie à l’égard de la psychiatrie. Ce qui intéresse les Scientologues dans ce domaine, ce sont les droits de l’homme. Je vous rappelle que la CCDH regroupe des personnes de toutes confessions : il n’y a pas que des Scientologues à la CCDH. En 1969, quand elle a été fondée, on pratiquait encore des lobotomies ou des électrochocs, autant de violations des droits de l’homme. La Scientologie n’est pas là sur un terrain de médecine, mais sur un terrain de droits de l’homme. Or il y eu des violations des droits de l’homme qui ont été constatés. L’Eglise de la Scientologie s’est toujours s’est toujours positionnée en faveur d’un combat pour les droits de l’homme. On n’aurait pas cofondé cette commission avec le psychiatre Thomas Szasz s’il y avait eu un acharnement de l’Eglise de Scientologie à l’égard de la psychiatrie. De plus, des psychiatres travaillent à la CCDH, preuve qu’il n’y a aucun acharnement à l’égard de leur profession.

M. Jacques Mézard, rapporteur. – Nous ne sommes plus en 1969 mais en 2013. Or la CCDH continue de multiplier les interventions sur les prétendus problèmes posés par la psychiatrie.

M. Eric Roux. – J’ai du mal à comprendre pourquoi vous n’avez pas posé cette commission à la CCDH...

M. Jacques Mézard, rapporteur. – Nous l’avons fait, Monsieur.

M. Eric Roux. – C’est à eux qu’il faut poser la question !

M. Jacques Mézard, rapporteur. – Pourquoi refuser de répondre ?

M. Eric Roux. – Je ne refuse pas de répondre. Je ne suis pas la CCDH. Je suis le porte parole de l’Eglise de Scientologie.

M. Jacques Mézard, rapporteur. – C’est quend même un des combats de l’Eglise de Scientologie.

M. Eric Roux. – Je vous ai répondu : ce n’est pas le combat de l’Eglise de Scientologie, c’est un combat individuel: le terrain des droits de l’homme. Que les Scientologues s’investissent dans le domaine des droits de l’homme, c’est leur choix, et s’ils le font, ils le font avec la CCDH. Elle a été auditionnée ! Je ne peux pas répondre à sa place !

M. Jacques Mézard, rapporteur. – Ne biaisez pas. Il y a une focalisation des Scientologues – puisque vous ne voulez pas parler de l’Eglise de Scientologie - sur la psychiatrie. Nous cherchons à en comprendre les raisons !

M. Eric Roux. – Je vous ai répondu, je crois. Il y une volonté de défendre les droits de l’homme dans des domaines où ils sont violés. C’est le droit des Scientologues de le faire. Il n’y a pas grand-chose de plus à en dire. On n’est pas dans le domaine de la médecine, ni dans le domaine de la santé, on est dans le domaine de droits de l’homme violés, d’atteintes à l’intégrité physique, et c’est ça qui est dénoncé par les Scientologues qui prennent part à ce combat. Vous dites qu’il y a une focalisation : ce n’est pas vrai. Il y a énormément de programmes dans lesquels on travaille qui sont de tout autre type : dans le domaine de l’éducation, de la lutte contre l’illettrisme ou dans le domaine de la prévention et de l’information sur les dangers des drogues, dans des aspects de moralité, de réhabilitation des délinquants. Nous avons beaucoup de domaines d’intervention. L’un de ces domaines est le combat pour les droits de l’homme. Je n’ai pas grand-chose de plus à vous dire là-dessus, je suis désolé.

M. Jacques Mézard, rapporteur. – Ce combat pour les droits de l’homme a pour vecteur principal la psychiatrie. Nous avons aussi auditionné le Collectif des médecins et des citoyens contre les traitements dégradants de la psychiatrie : cela a bien un rapport direct avec la santé !

M. Eric Roux. – Je n’ai rien à voir avec ce collectif ! Je ne vois pas pourquoi vous me posez cette question !

M. Jacques Mézard, rapporteur.– Son président a indiqué sa qualité de scientologue. Pourquoi cette focalisation ?

M. Eric Roux. – Si le président d’une association est catholique, vous n’appelez pas l’Eglise catholique !

M. Jacques Mézard, rapporteur. – la question que je pose est simple. Y a-t-il une raison particulière pour les Scientologues de s’en prendre à la psychiatrie ?

M. Eric Roux. – Je vous l’ai déjà dit, il y a une raison : les Scientologues luttent pour le respect des droits de l’homme, contre les violations des droits des patients, des droits des gens, de leur intégrité physique et morale. Certains Scientologues choisissent ce terrain des droits de l’homme, et je pense que c’est tout à fait louable.

M. Jacques Mézard, rapporteur. – En ce qui concerne la santé, il est écrit dans La Dianétique qu’elle guérirait « tous les types de maladies mentales non organiques et tous les types de maladies psychosomatiques organiques ». Pouvez-vous nous expliquer ce qu’il en est ?

M. Eric Roux. – Eh bien non ! Je vais vous dire pourquoi. Vous citez des écrits du fondateur de notre Eglise, qui constituent pour nous l’équivalent des textes sacrés : la Torah dans le judaïsme, la Bible, etc. Je ne pense pas que cela entre dans le sujet de votre commission d’examiner les textes sacrés d’une religion pour en tirer des conclusions. Il faut séparer les écrits du fondateur de la Scientologie qui a écrit, je vous le rappelle, plus d’une centaine de millions de mots, sur de multiples sujets - et ses propos n’engagent que lui - de la pratique de l’Eglise. Ce sont deux choses différentes. Si vous interrogez le Consistoire, l’Eglise catholique, etc., vous n’allez pas les interroger sur les textes sacrés, vous allez les interroger sur ce qu’ils font.

Mme Catherine Génisson. – Bien sûr que si !

M. Eric Roux. – Je ne pense pas ! Je vais vous lire quelques passages de l’Evangile selon Saint-Jean : « Il retourna donc à Cana en Galilée où il avait changé l’eau en vin. Il y avait à Capernaüm un officier du roi, dont le fils était malade. Ayant appris que Jésus était venu de Judée en Galilée, il alla vers lui, et le pria de descendre et de guérir son fils, qui était près de mourir. Jésus lui dit : Si vous ne voyez pas des miracles et des prodiges, vous ne croyez point. L’officier du roi lui dit : Seigneur, descends avant que mon enfant meure. Va, lui dit Jésus, ton fils vit. Et cet homme crut à la parole que Jésus lui avait dite, il s’en alla. Comme il descendait, ses serviteurs venant à sa rencontre lui apportèrent cette nouvelle : ton enfant vit. ». Je pourrais vous citer de nombreux passages des Évangiles où Jésus guérit par apposition des mains ou de diverses manières.

M. Jacques Mézard, rapporteur. – Quel rapport avec la question ?

M. Eric Roux. – C’est la question. La Dianétique est un texte sacré qui date de 1950 et qui n’engage que son auteur.

M. Jacques Mézard, rapporteur. – Pouvez-vous nous décrire la procédure de « purification » ?

M. Eric Roux. – Eh bien, pas vraiment. Je vais vous dire pourquoi. Je sais que vous avez interrogé M. Roger Gonnet sur le sujet, or vous le savez très bien, un procès pénal à l’heure actuelle est en cours devant la Cour de cassation. Une commission d’enquête parlementaire doit en tirer la conclusion qu’il lui faut arrêter ses débats immédiatement car elle se saisit d’un sujet qui est actuellement devant une juridiction judiciaire.

M. Jacques Mézard, rapporteur. – Merci pour cette leçon de droit. Il n’y a aucun lien entre la purification et une procédure judiciaire. Nous sommes là pour poser des questions. Ma question était précise, elle n’avait rien à voir avec une procédure en cours. Vous voulez répondre ou non, ne tournez pas autour du pot.

M. Eric Roux. – Je ne tourne pas autour du pot. Je vous ai répondu ce que j’avais à vous répondre. Je ne vois pas le rapport entre le programme de purification, qui est un programme religieux, qui n’a rien à voir avec un acte médical, et le thème de la commission d’enquête qui porte sur – je me réfère à votre proposition de résolution – le développement de pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique. Quel rapport ? Ou encore : la prise en charge psychologique hors du cadre psychothérapeutique. Encore une fois, pas de rapport. Autre thème : l’infiltration des professions médicales et paramédicales par des mouvements sectaires en dépit de la vigilance des autorités. Je ne vois pas le rapport.

M. Jacques Mézard, rapporteur. – Pouvez-vous nous parler de la niacine et des vitamines nécessaires à la purification, ou pas ?

M. Eric Roux. – Non, absolument pas, et je vous ai dit pourquoi : c’est le respect du principe de séparation des pouvoirs, vous comprenez ?

M. Jacques Mézard, rapporteur. – Non, Monsieur. La séparation des pouvoirs n’est pas en cause. Vous êtes suffisamment averti juridiquement pour savoir que votre réponse ne convient pas : dites simplement que vous ne souhaitez pas répondre.

M. Eric Roux. – Pour moi, cela a tout à voir. Je vous explique pourquoi je ne peux pas répondre.

Mme Catherine Génisson. – Je crains que mes questions restent sans réponse, mais je vais néanmoins les poser. Ron Hubbard est le fondateur de la Scientologie. Comment se référer à ses écrits pour poser des questions sur La Dianétique ?

M. Eric Roux. – Ses écrits constituent l’équivalent des grands textes sacrés pour les autres religions.

Mme Catherine Génisson. – Ils ont pourtant été écrits au XXe siècle, dans un style dépourvu de symbolisme, contrairement aux textes fondateurs qui peuvent remonter à quelque 2 000 ans. Que pensez-vous des citations suivantes : « La dianétique guérit et elle guérit à chaque fois », ou encore « C’est de la barbarie pure et simple que de vouloir guérir des maladies psychosomatiques (ça, ce n’est pas un discours d’il y a vingt siècles, c’est un discours du XXe siècle), en recourant à des pratiques aussi brutales que la chirurgie dentaire ou la chirurgie tout court. Il faut absolument s’abstenir de tenter la moindre opération chirurgicale tant qu’il n’existe aucune certitude quant à la nature réelle du mal et tant qu’il n’a pas été établi que le mal se résorberait de lui-même si l’on réduisait le pouvoir du mental réactif ».

Nous sommes au cœur de la problématique de notre commission d’enquête : santé et dérives sectaires. Je me réfère aux écrits du fondateur de l’Eglise de Scientologie, qui utilise un langage qui fait référence au sujet de la santé et emprunte au langage médical. Il ne s’agit pas de textes ésotériques vieux de vingt siècles ! Enfin, une question plus générale : quelle est la position de la Scientologie sur la vaccination ?

M. Eric Roux. – En 1950, quand La Dianétique a été écrite, la Scientologie n’existait pas encore. Je comprends bien que cela crée un petit peu de remous, mais je n’ai pas envie de commenter les textes sacrés ; il y a une différence à faire entre l’ensemble des écrits des fondateurs, dont il est facile d’extraire des phrases, qui peuvent être comprises de telle ou telle manière à telle époque, mais ces phrases n’engagent que leur auteur. Depuis, la Scientologie est entrée dans un autre domaine que celui de la Dianétique de 1950. Même si le livre est toujours là, qu’on peut le lire, parce que c’est la liberté d’expression, ce ne sont pas les pratiques de l’Eglise de Scientologie. Un malade ne sera pas traité selon La Dianétique ; il ne recevra pas l’audition de Dianétique. Il sera orienté vers un médecin, parce qu’il faut être en bonne santé. Il n’y a aucune volonté thérapeutique dans la pratique de la Scientologie. On ne recherche qu’une amélioration spirituelle qui va vers le divin. C’est une question de but. Même si le fondateur a écrit tout ce qu’il voulait, cela correspondait à sa pensée, mais ce ne sont pas les pratiques de l’Eglise de Scientologie. Si on commence à extraire des petits bouts de texte, on va en avoir pour très longtemps et je vais vous répéter toujours la même chose. Nous n’avons aucune pratique de ce genre là et nous ne cherchons absolument pas à guérir. L’unique but est une élévation spirituelle, une meilleure connaissance de soi, mais aucunement une visée thérapeutique. Pour répondre à votre autre question, la Scientologie n’a pas de position sur les vaccinations. Chaque Scientologue décide de ce qu’il fait.

Mme Catherine Génisson. – Vous allez sans doute encore me renvoyer dans mes cordes, sur le fait qu’il s’agit d’un texte sacré, à différencier de la pratique, mais nous avons lu les uns et les autres des témoignages récents d’anciens Scientologues qui attestent de l’existence de pratiques fondées sur la Dianétique.

M. Eric Roux. – Que la Dianétique soit utilisée, je ne dis pas le contraire. Qu’elle le soit dans un but de santé, je dis non. Ceux qui prétendent le contraire mentent. Je ne sais pas de quels livres vous parlez. En ce moment, il y a un peu de remous, notamment dans la presse « people », c’est sans doute pourquoi je suis là. Et je vous réponds : il n’y a aucune pratique de la Scientologie à visée thérapeutique. Ça ne veut pas dire que le fondateur n’a pas pu écrire son opinion, et les choses qu’il pensait, à un moment donné dans le temps.

Mme Catherine Deroche. – Combien de membres la Scientologie compte-t-elle ?

M. Eric Roux. – Entre 40 000 et 50 000 en France au sens large, 5 000 si on ne retient que les membres qui pratiquent très régulièrement.

Mme Catherine Deroche. – Les médecins vers lesquels vous orientez les malades sont-ils scientologues ? Au sein de ce « noyau dur » de 5 000 personnes, y a-t-il des médecins ? Leurs pratiques diffèrent-elles des pratiques de leurs confrères ? Autre question : nous avons évoqué avec vous la psychiatrie. Est-il vrai que la Scientologie possèderait aux États-Unis des lieux de vie pour schizophrènes qui fonctionnent selon des principes différents de ce que l’on peut trouver en France ?

M. Eric Roux. – Je ne connais pas précisément la situation aux États-Unis. Si de tels établissements existent, je ne pense pas que ce soit des endroits ayant un lien quelconque avec l’Eglise de la Scientologie. Cela me semble tellement contraire à ce que nous croyons devoir faire. Nous n’avons, à mon avis, aucune doctrine sur la schizophrénie.
En ce qui concerne les médecins, on n’oriente les malades vers aucun médecin en particulier, scientologue ou pas scientologue. Les personnes qui doivent se soigner vont voir leur médecin traitant, qui en général n’est pas scientologue. Il y a des médecins scientologues : à ma connaissance, aucune règle ne les oblige à une démarche particulière vis-à-vis de la médecine. J’en connais qui pratiquent l’allopathie comme les autres ; ils soignent comme n’importe quel autre médecin, selon les règles de l’art.

Mme Muguette Dini. – Votre exposé liminaire a consisté en une leçon de droit, de transparence, de démocratie, de respect de la justice, de séparation des pouvoirs, etc. Cela ne nous apporte rien. Nous cherchons à savoir quelles sont, dans votre mouvement – et je ne le qualifierai ni de secte, ni d’Eglise, parce que je n’en sais rien -, les pratiques qui peuvent avoir une incidence sur la santé : santé physique, santé mentale, santé des enfants. Nous avons certes auditionné une personne exclue voilà trente ans.

M. Eric Roux. – Oui, en 1982.

Mme Muguette Dini. – Mais Jenna Miscavige, dans son livre, tout à fait récent, dit exactement la même chose. Sans doute me direz-vous que ce qui se passe aux États-Unis n’est pas transposable à ce qui se passe chez nous... Jenna Miscavige évoque la purification : purification spirituelle, avez-vous dit. Respectable. Sauf que j’ai cru comprendre que cette purification spirituelle se faisait selon des modalités qui n’étaient pas toujours sans conséquence sur la santé. Nous avons compris que l’on pouvait être très mal après.
M. Eric Roux. – Comment l’avez-vous compris ?

Mme Muguette Dini. – Pas par ce que vous nous avez dit, puisque vous n’avez rien dit ! Par ce que j’ai lu ! Donc je pose la question : y a-t-il, dans votre purification spirituelle, des contraintes physiques ?
Il y aussi une autre pratique : celle des auditions, qui, selon les témoignages, ressemblent beaucoup à du lavage de cerveau, à de l’emprise mentale. D’où notre scepticisme lorsque vous prétendez défendre les droits de l’homme bafoués par la psychiatrie en France. La plupart d’entre nous ici, sans être psychiatres, ont par le passé présidé des hôpitaux psychiatriques : je n’ai jamais constaté d’hôpital où l’on bafouait systématiquement - même s’il a pu y avoir des dérives - les droits de l’homme.
Certains psychiatres, dites-vous, travaillent à vos côtés ? Il y a, comme dans toutes les professions, des personnes qui vont mal chez les psychiatres.

M. Eric Roux. – Je pense que votre source ment dans 50 % de ce qu’elle raconte, et du début à la fin même si, étant la nièce du leader ecclésiastique de l’Eglise, ses propos ont pu être relayés par une presse à grand tirage. C’est très « people ». En France des dizaines de milliers de personnes ont suivi le programme de purification, il n’y a jamais eu un seul souci. Dans toutes les religions, il y a parfois des contraintes physiques. Je ne parle pas de contraintes dangereuses, je parle de choix personnels : le jeûne, le ramadan, les restrictions alimentaires de l’hindouisme, le sauna des Indiens d’Amérique... Il s’agit d’un choix religieux fait par des personnes en bonne santé.

Mme Muguette Dini. – Donc vous êtes en bonne santé.

M. Eric Roux. – Bien sûr, nous sommes en bonne santé, et une personne qui va faire un programme de purification va d’abord voir un médecin pour s’assurer qu’elle est apte à le faire. Nous sommes dans une situation de bonne santé pour éviter les complications, sinon même la course peut être dangereuse... Donc on fait attention à ces choses là.

Mme Catherine Deroche. – Un certificat médical est-il nécessaire ?

M. Eric Roux. – Oui, il s’agit de personnes en bonne santé. Nous n’avons pas de visée thérapeutique, pour reprendre un des thèmes de votre commission.

Mme Muguette Dini. – Notre commission a pour objet les dérives sectaires en matière de santé, non les visées thérapeutiques.

M. Eric Roux. – Elle a été constitué sur les faits suivants : le développement de pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique sans fondement scientifique. Le libellé en fait mention.

Mme Muguette Dini. – Pas le titre !

M. Eric Roux. – Je ne parle pas du titre. Je ne vais pas discuter de ça, mais en tout cas il y a une différence entre visée spirituelle et visée thérapeutique. Lorsque les juifs pratiquent la circoncision, il y a une contrainte physique. Oui, les personnes peuvent prendre des vitamines ou se rendre au sauna ; elles le font en toute liberté, sans visée thérapeutique. Je puis vous assurer qu’il n’y a jamais eu de problème. Cela fait vingt ans que je suis scientologue. Je n’ai jamais vu un problème, ni une personne se sentir mal après. Au contraire, je pourrais vous présenter de milliers de Scientologues qui viendraient vous dire à quel point cela leur a fait du bien.

M. Jacques Mézard, rapporteur. – Si c’est aussi simple et si ça ne pose pas de problème, vous pouvez bien nous dire ce que c’est que la purification ?

Mme Catherine Deroche. – Comment le médecin peut-il établir un certificat médical ?

M. Eric Roux. – Le médecin peut établir un certificat médical, en sachant ce qu’est le programme. C’est à la personne de l’en informer. La personne le fait en général de manière parfaitement honnête, parce qu’on n’est pas des idiots non plus, et la raison pour laquelle il n’y a jamais eu un problème, c’est justement parce que c’est bien fait.
Le programme de purification, c’est très simple. Vous avez une certaine alimentation. Ça se passe pendant quinze jours de la vie d’un Scientologue. Il va faire du sauna, il va prendre des compléments alimentaires, il va se nourrir convenablement, dormir convenablement, et parvient à un résultat spirituel et non pas médical ou thérapeutique. C’est aussi simple que ça. Après, je ne pense pas que l’objet de votre commission soit la théologie scientologue, ni la pratique de l’ensemble de la Scientologie. Je pense que j’ai bien répondu à cette partie de la question.
L’autre partie de la question concernait les auditions. Vous dites: c’est de l’emprise mentale. Voyez-vous, je pratique la religion de Scientologie depuis vingt ans, je suis moi-même un responsable, vous l’avez dit : je suis porte parole. Je pratique l’audition depuis vingt ans - à la fois comme auditionné et comme auditeur, comme nous tous. Vous avez des milliers de Scientologues en France qui peuvent venir vous parler des bienfaits de l’audition. Vous en avez quelques uns qui se plaignent. J’entends bien : on ne peut pas, dans chaque groupe de personne, contenter tout le monde. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? C’est la pratique des Scientologues. Prenez la confession. C’est une pratique qui pourrait être proche de certaines auditions dont vous parlez. Pourrait-on dire que c’est de l’emprise mentale ?

Mme Hélène Lipietz. – Oui !

M. Éric Roux. - Peut-être que vous, vous pensez que c’est de l’emprise mentale, mais c’est le choix de la personne qui va faire sa confession, le choix de la personne qui est catholique. Si elle estime que ça lui fait du bien, je ne pense pas que l’on peut s’ingérer là- dedans.
Beaucoup de Scientologues pourraient vous dire à quel point les auditions leur font du bien. Mais à la limite, en quoi ça vous intéresserait ? C’est leur vie privée, c’est leur manière de faire, comme c’est la mienne...

Mme Muguette Dini. – Sauf si cette pratique a des effets sur la santé mentale.

M. Eric Roux. – Ça n’a pas d’impact sur la santé mentale dans le sens où, quand vous parlez de santé mentale, vous parlez de gens qui ont des problèmes de santé mentale. Après, on peut jouer sur le terme. A priori, vous êtes une dame avec une santé mentale correcte, normale. Vous voyez ce que je veux dire. Donc on n’est pas dans le domaine médical. Mais on pourrait se dire, vous comme moi, qu’on pourrait avoir une santé mentale encore meilleure. Qu’est-ce que la santé mentale ? Moi, j’estime que la Scientologie spirituellement, mentalement, m’apporte beaucoup mais je ne pense pas qu’on soit dans le domaine de la santé mentale. Vous comprenez ? L’audition n’a rien à faire dans cette enceinte, c’est une pratique spirituelle de la Scientologie, comme la confession, la prière, la méditation, etc., pour d’autres religions.

Mme Catherine Génisson. – L’audition est-elle gratuite ?

M. Eric Roux. – Non, elle n’est pas gratuite. J’ai fait une longue étude sur le financement des religions. D’abord, je ne pense pas que l’aspect financier entre dans le cadre de cette commission. Vous vous rendrez compte que toutes les religions ont des systèmes de financement et qui sont payants. Vous allez vous former comme ministre du culte dans un institut biblique: c’est beaucoup plus cher. Vous allez faire des stages de méditation bouddhistes, hindouistes, etc... c’est payant. Dans la religion catholique, lorsqu’un prêtre va suivre sa formation, c’est payant, par les fidèles, mais ça revient à 21 000 € l’année, et ça dure sept ans ! On trouve ça cher, on ne trouve pas ça cher, c’est un choix, mais c’est un système de financement. Celui de l’Eglise est parfaitement transparent, avec des prix qui correspondent à quelque chose qui est connu, et ça ne sort pas, finalement, quoi qu’on en dise, du cadre normal de la religion dans notre pays ou dans d’autres pays.

M. Stéphane Mazars. – Pouvez-vous nous dire quelques mots de l’électromètre ? A quoi sert-il ?

M. Eric Roux. – Là encore, je suis absolument désolé, vous allez dire que je fais tout le temps la même chose, mais ce sont des éléments qui ont été traités dans le procès pénal actuellement en cours.

M. Stéphane Mazars. – Peut-être l’utilisation de l’électromètre est-elle abordée dans le procès, mais le principe même de l’électromètre, je ne pense pas !

M. Eric Roux. – D’accord, je vais vous expliquer. Nous croyons que l’on ne vit pas qu’une fois. Nous pensons que la personne, c’est-à-dire vous, l’individu, vous êtes votre propre âme, que cette propre âme est immortelle, et qu’elle passe de vie en vie. Et nous pensons que l’esprit a une influence sur la matière, ce qui ressemble à beaucoup d’autres religions plus anciennes. Les Scientologues utilisent l’électromètre depuis le début de la Scientologie, en pensant que l’influence de l’esprit sur la matière va avoir une influence sur le courant électrique. L’électromètre fait passer un très faible courant électrique, que vous ne sentez pas, à travers le corps, c’est moins qu’une pile de 1,5 w... Et selon les changements spirituels qui se produisent, cela permet de détecter les zones de détresse spirituelle qui correspondent à ces choses qui ont pu se passer, peut-être, dans d’autres vies. Peut-être parmi vous y en a-t-il qui diront que c’est ridicule, en tout cas, mais encore une fois on est dans le domaine des croyances. Je vous réponds sur l’électromètre : il n’a rien à voir avec la santé.

M. Stéphane Mazars. – Quel est l’objet du diagnostic posé par l’électromètre ?

M. Eric Roux. – Il n’y a aucun diagnostic.


M. Stéphane Mazars. – Quel est l’intérêt, alors ?

M. Eric Roux. – Il s’agit de localiser des zones de détresse spirituelle qui se sont produites dans d’autres vies, peut-être, ou dans cette vie-ci, et ensuite de travailler avec la personne qui vous aide.

M. Stéphane Mazars. – Il y a bien un diagnostic, un constat. Et à partir de là, donc, on travaille ?

M. Eric Roux. – Oui, absolument, on travaille. C’est un travail personnel, qui entre dans le domaine religieux, comme je vous l’ai dit.

M. Jacques Mézard, rapporteur.– Vous ne pensez pas qu’on est dans le domaine du soin psychique ? Je n’ai pas bien compris.

M. Eric Roux. – Comprenez bien. Vous êtes malade mental. Pardonnez-moi, je ne voulais absolument pas faire de mauvais jeu de mot. Une personne est malade mentale, elle a besoin de soins psychiques. Mais on ne parle pas de ça. C’est exactement comme si vous me disiez qu’un prêtre catholique qui écoute un paroissien dispense un soin psychique. C’est exactement comme si vous me disiez qu’un bouddhiste, en pratiquant la méditation, fait du soin psychique. Je ne crois pas qu’on puisse mélanger les choses. Et c’est de cet ordre là.

M. Jacques Mézard, rapporteur. – Vous utilisez les résultats d’un appareil que vous appelez l’électromètre, vous faites passer un courant de très faible puissance, et ça vous permet de localiser des zones de stress, si j’ai bien compris.

M. Alain Milon. – De détresse spirituelle.

M. Jacques Mézard, rapporteur. – De détresse spirituelle. Donc par rapport à ça, vous prenez des dispositions pour remédier à ces constats, si je puis exprimer cela sous cette forme ?

M. Eric Roux. – Je pense que j’ai été clair. Je vais vous lire un tout petit texte qui a été écrit par un pasteur luthérien qui s’appelle Ernst Jahn, dans les années 1930, et qui parlait de la notion de « charge d’âme ». Parce qu’aujourd’hui, dès qu’on commence à parler de « charge d’âme », dès qu’on commence à dire qu’on peut aider quelqu’un d’un point de vue spirituel, avec ce que j’entends ici, j’ai l’impression que ça entre dans le domaine psychiatrique ou psychologique. Mais non ! C’est la vie ! C’est l’essence de la religion. L’essence de la religion, c’est de prendre soin de l’âme. Je vous rappelle que le mot psychologie, c’est psychè: psychè, c’est l’âme. Originellement, l’âme, la psychè, ça appartient au domaine philosophique, au domaine religieux.

Mme Catherine Génisson. – C’est différent !

M. Eric Roux. – Ça appartient aux deux. Quand vous regardez les philosophes grecs, à la fois ils étaient philosophes et à la fois ils avaient un point de vue sur l’esprit, sur la religion, sur la divinité, sur l’Un, donc je pense qu’il y a une racine commune aux deux.
Je vous lis, donc (Alfred Adler, en fait. Alfred Adler et Ernst Jahn ont coécrit, c’est Alfred Adler qu’on nomme le « père de la psychologie ») : « La notion de charge d’âme est la fois si vaste et si proche de la vie qu’elle ne se laisse pas définir avec une exactitude mathématique. A partir du moment où un sujet de structure psychique plus forte agit sur un autre psychiquement plus faible, ou plus exactement à partir du moment où le sujet plus mûri agit sur celui qui l’est moins, on peut invoquer la notion de charge d’âme. Dans ce sens, tout le processus éducatif peut être considéré comme étant une cure d’âme. Cette notion peut également ressortir d’une idée donnée, dans la mesure où cette idée possède la faculté de renforcer les liens de la société. La faculté de renforcer les liens de la société : rappelons à ce sujet, avant tout, l’idée nationale. Le croyant se sent en présence de Dieu, il se sait guidé par lui. Le point culminant de toute cure d’âme est la prise de conscience d’être responsable devant Dieu et conduit par lui. Les différentes formes de la direction spirituelle se manifesteront dans la pratique de diverses façons. »
Voilà pourquoi il est impossible de définir mathématiquement la notion de cure d’âme. L’Eglise parle de cure d’âme, mais nous venons de dire qu’en dehors de la cure d’âme chrétienne, il s’en est développé une autre, laïque, et originellement, la cure d’âme appartenait à l’Eglise chrétienne. Et on est dans ce domaine là. Comprenez bien qu’on n’est pas dans le domaine de gens qui souffrent, de problèmes mentaux – les malades mentaux appartiennent au domaine de la psychiatrie, j’en conviens – on est dans le domaine de gens qui sont bien portants, qui vont bien, qui font un travail spirituel sur eux-mêmes, et qui cherchent à s’améliorer eux-mêmes. Donc je ne vois pas, je suis désolé de vous le dire, le rapport avec ce que vous appelez un travail psychiatrique ou psychologique, à part si vous voulez rattacher cela à l’origine et à l’étymologie du mot qui est un travail sur l’âme.

Mme Hélène Lipietz. – Je voudrais faire deux remarques et, après, vous poser une question. Vos formations sont facturées selon un barème. Dans la religion catholique, c’est un peu l’inverse : jamais un séminariste ne va payer pour ses études. La formation des séminaristes est prise en charge par les fidèles, dont je suis. C’est une autre vision de la religion.
Deuxième remarque : ce qui m’a choquée, ce n’est pas votre attaque contre le fait que nous vous ayons invité, alors que nous avons fait cet effort. Ce qui m’a choquée, c’est que vous nous ayez relu textuellement votre lettre, comme si vous partiez du principe nous n’avions pas pris le temps de la lire. C’est choquant, nous sommes ici entre honnêtes gens. J’ai retrouvé dans votre propos, mot pour mot, ce que vous aviez écrit.
Une question : Nous avons entendu beaucoup d’associations. Des associations de victimes, des associations qui se présentent comme des associations de lutte antisectes... Qu’est-ce qui vous fait penser aujourd’hui que le fait de vous entendre signifie que nous vous classons dans une secte ? Nous vous entendons peut-être comme nous avons entendu n’importe quelle autre association parmi celles qui sont régulièrement pointées du doigt. Vous n’êtes pas la seule association à être pointée du doigt dans un sens ou dans un autre. En quoi pensez-vous que le fait de vous interroger aujourd’hui prouve que nous vous considérons comme une secte ? Peut-être que, parmi nous, et je n’en sais rien, il y a des membres de votre Eglise, ou de votre association, comme on veut... Qu’est-ce qui vous choque dans l’idée que vous seriez peut-être vus par nous comme étant une secte ? Et pourquoi n’auriez-vous pas envie, justement si vous vous sentez visé, de nous prouver que vous ne l’êtes pas ? J’avoue que je n’ai pas compris votre démarche.

M. Eric Roux. – Je n’ai pas du tout pensé que vous n’auriez pas lu le courrier, cela n’a rien à voir. Mais comme il s’agit d’une audition formelle, filmée (j’ai cru comprendre que sa diffusion serait éventuelle), donc j’ai voulu répéter ces divers points  avec quelques petits changements, comme vous avez pu le remarquer, par rapport à la lettre écrite - mais ce n’était pas du tout pour vous imposer une deuxième lecture, j’en suis désolé. Ce point est donc clarifié.

Ensuite, je ne suis pas né de la dernière pluie, M. le président l’a dit au début : en 1999, un questionnaire a été envoyé aux mouvements sectaires et vous n’avez pas répondu : j’en déduis, parce que je ne suis pas très idiot, qu’il considère que nous sommes un mouvement sectaire puisque la liaison est faite. Ensuite il dit : c’est la première fois qu’un mouvement sectaire est invité. Voilà ! Il ne faut pas non plus penser que je suis né de la dernière pluie, je suis venu. J’espère bien que tous, vous n’êtes pas du même avis, et que certainement, il y en a qui ont une vision plus libérale, il y en a certainement qui ont des a priori, des préjugés... Je suis venu quand même. On me dit que j’étais obligé de venir. Peut- être, d’après la loi, bien qu’il n’y ait jamais eu une seule condamnation sous la Ve République. C’est vrai, je suis obligé. Mais quand je dis que j’ai un profond respect pour le Sénat et pour le travail que vous faites, je le pense. Je le pense vraiment. Et ce sur quoi j’ai protesté, ce n’est pas sur le fait que vous m’invitiez : vous avez invité un opposant de l’Eglise, donc je trouve ça bien que vous m’invitiez. Je suis étonné que vous ayez invité celui-là, mais bon... Soit ! Vous faites ce que vous voulez !

Ce n’est pas sur ça que je proteste, c’est tout simplement sur ce que je vous ai dit : je pense qu’au-delà du fait que c’est vrai que la commission a la liberté d’organiser la publicité des débats, je pense que l’esprit de la loi, au-delà du texte, c’est la publicité la plus large des débats. Et j’ai protesté sur le fait qu’il y avait une publicité très large pour certaines personnes qui ont été auditionnées, en tous cas celles que j’ai dites, c’est-à-dire ouverture au public et à la presse, et que moi, quand je dis : j’aimerais bien que ce soit ouvert au public et à la presse, on me dit non. De quoi on a peur ? Ce n’est pas pour me protéger moi que vous faites ça, parce que moi, j’ai demandé à ce que la presse soit là. Ils seraient venus ou ils ne seraient pas venus, je n’en sais rien, mais j’ai demandé à ce que, au moins, ce soit ouvert. Donc c’est sur ce point là que j’ai protesté. Pas sur le fait d’avoir été invité.

Mme Gisèle Printz. – Faut-il acquitter une cotisation pour être membre de l’Eglise de Scientologie ?

M. Eric Roux. – Non, ce n’est pas obligé.

Mme Gisèle Printz. – Comment alors dénombrez-vous les membres ?

M. Eric Roux. – C’est un comptage interne, dans lequel on a par exemple des abonnés à des revues. Ce sont des estimations, je ne peux vous donner un chiffre exact. Surtout que je ne m’occupe pas de toutes les églises de France, donc j’ai une estimation globale, en regardant sur une dizaine d’années combien de personnes ont fréquenté les églises, combien de personnes on a d’abonnées à nos revues, et ensuite, quand je vous donne le chiffre de 5 000, c’est plus facile car je regarde sur un ou deux ans combien de personnes sont venues sur des services religieux dans l’Eglise.

Mme Gisèle Printz. – Comment devient-on révérend ? Est-ce un sacrement, comme dans les autres Eglises ?

M. Eric Roux. – Absolument, c’est un sacrement, c’est-à-dire qu’il y a une ordination de ministres du culte qui existe, comme dans les autres Eglises, et ça demande une certaine étude, une certaine connaissance. On devient ministre du culte après une formation.

Mme Catherine Deroche. – Une question concernant les mineurs. Toutes les pratiques dont nous avons parlé : électromètre, purification, audition, est-ce fait sur des adolescents, des mineurs ?
M. Eric Roux. – Sans l’autorisation des deux parents, non. Si les parents sont pratiquants, il peut arriver qu’un enfant – plutôt un adolescent -, souhaite pratiquer une audition, c’est un choix personnel. Je vais vous parler du baptême, que j’aime bien parce que quand on baptise un enfant, qui vient de parents scientologues – je n’ai pas encore de parents non scientologues qui viennent me voir pour baptiser leurs enfants... On dit clairement que si l’enfant choisit une autre voie que celle de ses parents aujourd’hui, ce sera son choix et en aucun cas on ne pourra le lui reprocher. Il y a un point très important dans la Scientologie : on ne peut pas pratiquer la Scientologie de manière imposée. Lorsque les jeunes viennent, ils viennent parce qu’ils ont envie de le faire et parce que c’est leur choix. En général, ils font beaucoup de cours, mais s’ils décident de faire une audition, ils peuvent le faire.

Mme Catherine Deroche. – Peut-on être baptisé à tout âge ?

M. Eric Roux. – En général, c’est plus pratique, comme on tient l’enfant dans ses bras, de le faire jeune. Je vous avoue que j’ai baptisé des enfants de deux ans, c’était très fatigant. On le fait en général un peu après la naissance : c’est ce qu’on appelle la cérémonie d’attribution du nom.

Mme Catherine Génisson. – V ous allez sans doute considérer que ma question est inopportune, mais nous avons fait les uns et les autres allusion à un best seller qui est écrit par la nièce du fondateur...

M. Eric Roux. – Pas du fondateur, du leader ecclésiastique.

Mme Catherine Génisson. – Oui, pardonnez-moi. Vous avez dit que les écrits de cette personne étaient à 50 % faux, j’en conclus donc qu’ils sont vrais à 50 %. Qu’y a- t-il de faux, qu’y a-t-il de vrai ? Cela rejoint la question de ma collègue, dès lors que dans ce livre il est écrit que toutes les techniques que vous avez décrites sont très largement appliquées aux mineurs, et, semble-t-il, sans leur consentement... En tout cas, sans leur consentement éclairé.

M. Eric Roux. – Déjà, je vais être obligé de vous avouer quelque chose : je n’ai pas lu ce livre, tout simplement parce que je n’en ai pas eu le temps. Je l’ai découvert dans la presse, dans laquelle j’en ai lu de larges extraits. Dans ce que j’ai lu, il y a des choses absolument fausses, quand elle parle de son oncle. On est dans un contexte complètement américain, il n’y a qu’en France que ce livre a été traduit. Même aux Etats-Unis, il n’a pas le succès qu’il a en France. L’Eglise américaine a publié une réponse dans laquelle on a vu trente jeunes, qui ne sont pas des membres du clergé scientologue, qui sont certainement encore pour la plupart des Scientologues - encore que, pas tous, je crois - qui ont été éduqués dans les mêmes conditions qu’elle - sa famille fait partie du haut clergé de la Scientologie, c’est comme si elle vivait au Vatican, sauf que c’était aux Etats-Unis. Et donc, ces trente jeunes, éduqués dans les mêmes conditions, disent : « Nous, on a une vision complètement différente de notre époque passée au Ranch, ce dont elle parle. Et pour nous, cette époque, ça a été une des meilleures époques de notre vie, on a appris énormément de choses, ça nous a donné la possibilité de réussir aujourd’hui dans la vie comme on réussit, et on ne fait pas partie de l’Eglise ». Donc ils ont un témoignage très différent. Je pense que le témoignage de cette fille est très subjectif, qu’il a à voir aussi avec le fait qu’étant la nièce du leader ecclésiastique, elle a un nom qui lui permet de faire beaucoup de « buzz » et d’en parler, et je ne lui accorde pas foi. Peut-être que vous lui accordez foi, mais c’est difficile pour moi de dire ce qui est vrai et ce qui est faux, parce que je n’ai lu que des extraits.

Mme Muguette Dini. – Vous nous avez dit que l’électromètre permettait de faire un constat de moments de détresse spirituelle. Y a-t-il des gens qui utilisent l’électromètre - je ne vais pas dire qu’on soumet à l’électromètre, ce n’est pas un instrument de torture - mais pour qui finalement on sent qu’ils vont très bien ?

M. Eric Roux. – Normalement, les Scientologues vont bien. Je vais vous dire pourquoi : on n’est pas avec des gens qui ne vont pas bien. Moi, personnellement, je me sens bien dans la vie. Les Scientologues en général sont plutôt comme moi. Lorsque je parle de détresse spirituelle, je ne parle pas d’une personne qui irait très mal. On a chacun dans notre vie, des moments, sans remonter dans les vies passées - parce que je ne vous infligerai pas ce voyage - des moments qui peuvent être des moments de détresse spirituelle.

Mme Catherine Génisson. – Seulement comme être humain ?

Mme Muguette Dini. – On ne se réincarne pas en animal ?

M. Eric Roux. – Il n’y a pas, comme dans l’hindouisme, cette réincarnation en animal. Même si vous allez très bien, même si vous êtes en pleine forme, il peut y avoir des moments de détresse spirituelle, vous comprenez ? Et les Scientologues considèrent qu’à ces moments-là peuvent se produire des choses qui ont une influence après, dans votre vie, et sur votre connaissance de vous-mêmes. Mais comprenons-nous bien : je ne parle pas de gens qui vont mal, je parle de gens qui vont bien. Et j’espère que la majorité des Scientologues vont bien, même s’ils sont sujets aux caprices de la vie, comme tout le monde.

Mme Muguette Dini. – Quand vous sentez que quelqu’un est en détresse spirituelle, comment l’aidez-vous à en sortir ?

M. Eric Roux. – Comme n’importe qui. Si un Scientologue est en détresse spirituelle, il faut regarder d’où ça vient. Mais là, on est dans le domaine de l’aide, pas dans le domaine de la Scientologie.

Mme Muguette Dini. – Après, vous revérifiez que ça va mieux ? Avec l’électromètre ?

M. Eric Roux. – Non, pas du tout, tout le monde se sert de l’électromètre à la Scientologie. Moi, je suis en pleine forme. J’arrive à la Scientologie, nous avons une progression spirituelle qui va amener la personne vers une liberté spirituelle totale. Ce sont nos croyances, je vous remercie de les respecter. On utilise l’électromètre pour progresser. Il ne s’agit pas de dire : tu vas bien ou tu ne vas pas bien. On progresse de cette manière.

Mme Muguette Dini. – Dernière question. Quand on utilise l’électromètre, est-ce qu’on paye à chaque fois ?

M. Eric Roux. – Pas forcément. Par exemple, comme je vous le disais, la manière la plus simple de progresser, sur ce que nous appelons le pont vers la liberté spirituelle totale, c’est de vous-même vous former, en tant qu’auditeur, et en tant que ministre du culte. Ensuite avec quelqu’un, qui fait la même formation que vous, vous faites ce que l’on appelle de la co-audition : c’est complètement gratuit, et vous progressez en utilisant l’électromètre. Vous aidez l’autre ; l’autre vous aide. Cela se fait à deux. Ce n’est donc pas payant à chaque fois.

M. Alain Milon, président. – Vous nous avez reproché de ne pas avoir fait cette audition en public. Or vous n’aviez pas besoin de nous pour diffuser vos messages : vous avez procédé à votre propre audition à l’Hôtel Lutetia tout à l’heure.

M. Eric Roux. – J’ai fait ce que j’ai pu.
 
Eric Roux
| Liberté de conscience | Commentaires (0)