Jean Carbonnier (1908-2003), plus connu sous le nom du "Doyen Carbonnier", est considéré par beaucoup comme l'un des plus grands juristes du XXème siècle. Parmi les grandes avancées qu'il a fait connaitre au droit français, beaucoup d'éminents professeurs de droit s'accordent à dire que c'est grâce à son influence que le droit de la famille a évolué depuis les années 60, permettant aux femmes de connaitre une égalité en droit qui n'était que chimère avant les réformes dont il fut le père spirituel.
En 1982, le doyen Carbonnier avait été consulté pour examiner une décision de justice dans laquelle des membres de l'Eglise de scientologie avaient été inquiétés (avant d'être relaxés et blanchis). Voici un extrait de son analyse :
En 1982, le doyen Carbonnier avait été consulté pour examiner une décision de justice dans laquelle des membres de l'Eglise de scientologie avaient été inquiétés (avant d'être relaxés et blanchis). Voici un extrait de son analyse :
"Cet examen sera conduit en deux temps :
1° Il me faudra rechercher si l'Eglise de Scientologie peut, comme le soutiennent ses dirigeants, être caractérisée comme une religion, et à cette fin, il me faudra déterminer les critères par lesquels la religion peut se définir.
2° L'Eglise de Scientologie étant caractérisée comme une religion, il y aura lieu de rechercher, pour en faire éventuellement application aux comportements de ses membres, quelles peuvent être les interférences de la religion avec le droit pénal.
Il va de soi que les opinions que je vais être amené à émettre, au vu des documents que vous m'avez communiqués, n'implique de ma part aucune appréciation, quant au fond, des doctrines ou des pratiques de l'Eglise de Scientologie. Il n'est pas besoin d'appartenir soi-même à un système de croyances, pour s'inquiéter des atteintes qui sont portées à sa liberté. S'il est en cette matière un parti pris qui soit légitime, c'est bien celui-ci : que la liberté religieuse ne se divise pas.
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Que l'Eglise de Scientologie puisse être rationnellement qualifiée de religion, je crois pouvoir en apporter la démonstration positive. Mais, au préalable, certains préjugés doivent être dissipés, auxquels se sont heurtées dans l'opinion publique et même parfois devant les tribunaux, les confessions de ce type.
A- D'autres confessions, en effet, ont eu à souffrir de ces préjugés avant la Scientologie : ainsi les Baptistes, longtemps suspects, par confusion avec l'anarchie anabaptiste, mais aujourd'hui membres à part entière de la très officielle Fédération protestante de France; ainsi, plus récemment, les Pentecôtistes, d'abord tenus pour des marginaux, voire des charlatans, et qui, depuis lors, par leur progression statistique même, ont su faire reconnaître le sérieux de leur foi (l'Eglise Apostolique, petite communauté de style pentecôtiste, a été admise dans la Fédération protestante de France dès 1972). Il y a là, sinon une loi scientifique, du moins une "régularité tendancielle" bien connue en sociologie des religions : les religions nouvelles, après une période d'effervescence, tendent à se cristalliser, à s'institutionnaliser, à s'intégrer à la société globale. Cette observation des sociologues n'est pas dépourvue de conséquence pour le juriste : elle doit le mettre en garde contre son premier mouvement en présence d'une nouveauté religieuse, premier mouvement qui est de rejet, sous l'impression d'une irrationalité étrange, alors que la même irrationalité ne le frappe pas quand. elle est contenue dans une religion implantée de longue date.
Deux causes peuvent expliquer que si facilement soit dénié aux confessions nouvelles le statut de religion. Montrer l'inanité de ces causes est déblayer le terrain devant la reconnaissance de ce statut à l'Eglise de Scientologie.
a) La première de ces causes est l'ancien privilège des cultes reconnus. Ce privilège résultait des textes consulaires - le Concordat et les Articles organiques - par lesquels le culte catholique, le culte protestant dans ses deux branches (calviniste et luthérienne) et le culte israélite avaient reçu de l'Etat un monopole de représentativité religieuse. Or, ce monopole a été aboli par le fait même de la séparation des Eglises et de l'Etat.
L'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 est on ne peut plus net : "La République ne reconnaît ... aucun culte". Mais il subsiste dans l'inconscient collectif, quelque chose du régime disparu, une discrimination en faveur des confessions dites "historiques" et au détriment des communautés nouvelles.
En droit, pourtant, ce n'est plus là qu'un fantôme, que les juges ont le devoir d'éliminer de leur raisonnement."...
Pour ceux qui voudraient lire la consultation en son entier, cliquez ici :
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